Le Courrier d’Espagne a reçu dans ses bureaux de Madrid Manuel Valls, le candidat désigné par Emmanuel Macron pour représenter LREM aux législatives de la 5ème circonscription des Français de l’étranger. Ancien 1er Ministre et possédant la double nationalité franco-espagnole, Manuel Valls explique au Courrier pourquoi sa candidature est un atout pour ce mandat et insiste sur les problématiques autour de l’école et la famille.

Une des problématiques qui ressort souvent chez les Français de l’étranger sont les barrages administratifs en tout genre. Que peut-on et doit-on améliorer à court terme ?

C’est un sujet récurrent ! Ayant moi-même la double nationalité, je connais précisément les barrages administratifs auxquels sont confrontés trop souvent les Français de la 5ème circonscription de l’étranger. Délais de réponses variables et trop souvent lents, doublons et divergences dans les réponses apportées à un même problème, manque de personnel, complexité de certaines démarches pour l’obtention de papier (permis européen, certificat de vie…), la marge de manœuvre est donc grande pour améliorer notre système administratif. Il faut accompagner l’arrivée régulière de familles françaises en Espagne en renforçant nos services consulaires, en nommant des Consuls honoraires par exemple à Minorque, en mettant surtout en place des agents assermentés pour recevoir les demandes et éviter de se déplacer pour refaire son passeport quand on habite à Valence par exemple à Barcelone ou Madrid.


Évidemment nous devons poursuivre les efforts mis œuvre par le gouvernement en facilitant l’accès aux services publics français par la création de France Service Français de l’étranger. Ce service, joignable 7 jours sur 7 et 24h sur 24, permettra de répondre aux problématiques de délais avec l’objectif d’améliorer l’accompagnement dans toutes les démarches administratives. Dans le prolongement de la mise en place du vote électronique, il faut privilégier la voie de la dématérialisation pour le renouvellement des titres d’identité, du dépôt de procuration et de l’établissement des certificats de vie. La procédure de télé rendez-vous sécurisée permettant une vérification de l’identité en vidéoconférence sera étendue, après expérimentation, en Espagne et au Portugal. Je le sais, ces mesures sont très attendues par nos compatriotes de l’étranger.

Je veux terminer de répondre à cette question avec un point positif en saluant l’entrée en vigueur au 1er avril dernier de la convention sur la double nationalité franco-espagnole. A l’issue des procédures de ratification que les deux pays ont mené de manière prioritaire, le texte est entré en vigueur un an après sa signature par le président de la République et le président du gouvernement espagnol, lors de la XXVI° édition du Sommet franco-espagnol, à Montauban, le 15 mars 2021. Cette convention vient établir une symétrie entre la France et l’Espagne en matière de traitement de la double nationalité. La France devient le premier pays non-hispanophone ou lusophone avec lequel l’Espagne signe un tel accord bilatéral. Elle doit beaucoup au formidable travail de Samantha Cazebonne, députée de cette circonscription de 2017 à octobre 2021 avant de rejoindre le Sénat.

En quoi votre expérience en tant que 1er ministre peut-elle représenter une force pour débloquer ces dossiers et faire avancer les choses ?

Je suis né à Barcelone, j’ai une double culture, je parle l’espagnol et le catalan. Je connais les rouages du gouvernement, de l’Etat et du Parlement, ainsi que les autorités nationales ou locales des pays de la circonscription. J’ai même été élu de la ville de Barcelone ! Ce parcours unique et mon expérience au plus haut niveau du gouvernement sont respectés. Et je veux les mettre au service de mes compatriotes. Un exemple concret : je viens d’obtenir, en lien avec la Première ministre Elisabeth Borne et le ministre de la Fonction Publique Stanislas Guerini, la réécriture d’un décret qui pénalisait les personnels des établissements scolaires en détachement direct. Ces derniers auraient subi une augmentation exorbitante des cotisations pour pension civile, avec des conséquences lourdes pour leur pouvoir d’achat. C’est du concret !

Sur les coûts élevés du lycée français pour les familles et les places manquantes sur la circonscription, que proposez-vous ?

Je suis attaché à la préservation d’un système mixte et souple adapté à la spécificité de notre enseignement à l’étranger, mais je crois aussi aux missions du service public et aux valeurs républicaines. Nous devons être capables d’accueillir plus d’élèves des familles françaises et d’accompagner la croissance de nos établissements, tout en préservant la qualité de l’enseignement qui est reconnu par tout le monde et notamment par l’enseignement supérieur espagnol.

Mais parlons vrai : c’est mon sujet prioritaire car le coût des frais de scolarité dans les établissements de AEFE est trop élevé. Une famille me rappelait qu’en 2021 pour leurs 2 enfants elle avait payé plus de 12.000€ au Lycée Français de Madrid. Et ces frais sont en constante augmentation. De nombreux Français ne peuvent même pas envisager de mettre leurs enfants dans les établissements de l’AEFE malgré le système de bourses. Les classes moyennes se retrouvent lésées et le système va être de plus en plus questionné par l’arrivée de nouvelles familles en Espagne. Je suis donc convaincu qu’une augmentation de la subvention publique, aujourd’hui de 400 M d’euros, est indispensable pour baisser les frais de scolarité. Il nous faudra aussi revoir les critères d’attribution des bourses pour favoriser le maintien et l’accès d’un plus grand nombre de familles. Enfin une réflexion plus large sur la gouvernance du système et son avenir s’impose. Elle devra être menée avec méthode, réalisme, sans démagogie et concertation approfondie avec tous les acteurs concernés.

Vous parlez souvent de l’accompagnement des entrepreneurs et des PME, mais un réseau franco-français est-il suffisant pour ceux qui veulent vendre en Espagne ?

Nous sommes en Europe, dans un marché unique et une monnaie unique. Les relations entre nos pays sont multiples. Grandes entreprises, ETI et PME, start-up françaises sont présentes et s’implantent à Madrid, Barcelone ou Lisbonne. Beaucoup d’acteurs les accompagnent et les aident aussi. Les services des ambassades, les Conseillers du Commerce extérieur, les CCI, des associations… Votre journal aussi ! Des événements sont organisés pour permettre l’échange d’informations et d’expériences. Il faut sans doute améliorer la relation avec les autorités locales selon les territoires et les secteurs économiques . Et je crois beaucoup aux liens entre Chambres de commerce françaises et espagnoles. Les entreprises françaises qui veulent s’installer doivent bien connaître le tissu économique, le parc immobilier, les normes fiscales ou juridiques locales. Soyons imaginatifs et travaillons tous ensemble.

Vous circulez ces jours-ci entre l’Espagne et le Portugal, que peut-on apprendre d’eux pour améliorer notre attractivité comme écosystème économique?

Parlons de nous d’abord : le choix du soutien à nos entreprises et à leurs salariés, à nos entrepreneurs, à nos commerçants et artisans, a produit des résultats massifs. En réduisant les charges payées par les entreprises pour libérer l’emploi, en baissant la fiscalité pour libérer l’investissement, en soutenant les PME, la France a regagné ces dernières années en compétitivité, atteint une croissance élevée et amorcé la transition de son économie. Pour la première fois depuis 20 ans, les emplois industriels ont augmenté. La perspective du plein emploi est possible. En matière de numérique, une étape décisive a été franchie  : nous avions 3 « champions  » en 2017, nous en avons plus de 25 aujourd’hui. Mais dans la compétition internationale féroce, ne pas continuer d’avancer serait reculer. C’est dès maintenant que se joue la France de demain, nos emplois et nos salaires, notre indépendance. Nous sommes très présents en Espagne et au Portugal. Apprenons de ces pays un certain optimiste et à croire vraiment en nous-mêmes, à nos propres capacités et à ne pas attendre tout de l’Etat même si le « quoiqu’il en coûte » a été décisif pour aider nos entreprises et nos commerces à résister face à la crise sanitaire.

Manuel Valls, dans les locaux du Courrier d’Espagne samedi 21 mai à MADRID.

Note*

Sur demande, et uniquement sur demande, des candidats pour la 5ème circonscription, Le Courrier accepte de les recevoir dans ses bureaux afin qu’ils exposent leurs thématiques. Nous n’avons formalisé aucune demande d’interview nous-mêmes.

Naturellement, respectant l’univers de chacun d’eux et de leur lectorat, les questions ne sont pas les mêmes. Et un entretien informel préalable, et surtout physique, avec eux a été fait avant de soumettre les questions. Chacun ayant son univers du moment.

Nous rappelons que Le Courrier d’Espagne coûte zéro euro au contribuable car ne reçoit aucune subvention de l’Etat. Sous quelque forme que ce soit. C’est une publication indépendante (politiquement et financièrement) et neutre depuis 18 ans dont l’objet est de fournir des informations et des contacts pour ceux qui veulent investir ou s’implanter sur la péninsule ibérique.

Rédaction LCE Madrid / GSG Business Hub / Philippe C.