Les habitants de Masa s’unissent pour sauver le retable et l’horloge de l’église de Nuestra Señora de la Asunción, qui datent du XVIe siècle et font partie de son histoire et de son identité.

Ce pourrait être l’intrigue d’un film à grand spectacle : un village presque inhabité voit l’un de ses bâtiments les plus emblématiques et historiques se dégrader sans que personne ne s’en préoccupe, à cause de la négligence et du temps qui passe. Alarmés par la possibilité que, si cela continue, l’un de ses principaux signes d’identité finisse par disparaître à jamais, un groupe de voisins déterminés prend les choses en main et décide de passer de la lamentation à l’action.

C’est ce qui se passe dans le village de Masa, à Burgos, où ses habitants, peu nombreux mais infatigables, des hommes et des femmes machos, se sont mis au travail pour réunir les fonds nécessaires. L’objectif n’est autre que de restaurer le retable et l’horloge de l’église de Nuestra Señora de la Asunción avant que leur dégradation n’entre dans une phase irréversible qui les condamne à disparaître.

Sauver le patrimoine d’un village dans une Espagne vidée de sa substance

“Nous sommes le plus grand représentant de l’Espagne vide”, affirme Josechu de Miguel, président de l’association RE&RE Páramo de Masa, lors d’un entretien téléphonique, même s’il avoue ne pas être convaincu par cette expression, aujourd’hui si à la mode, dont il attribue la création au sensationnalisme des politiciens et des médias.

Ici, nous vivons bien, dans la tranquillité et avec une bonne qualité de vie”, affirme-t-il, “mais il est vrai que certains services font défaut, en particulier les services de communication, comme la fibre optique”. Une réalité attestée par le fait qu’il y a 27 résidents enregistrés dans cette petite commune, dont pas plus de 8 y vivent toute l’année. Quelques habitants qui, grâce à cet objectif, sont aujourd’hui “plus unis que jamais”. Et rien de tel qu’un défi commun pour s’unir aux autres.

Ce n’est pas la première fois que les habitants de Masa défendent leur patrimoine. Mais c’est la première fois qu’ils prennent des mesures claires et fortes pour le rendre possible. L’une d’entre elles consiste à créer une association spécialement destinée à travailler dans ce sens, l’association RE&RE Páramo de Masa, déjà mentionnée ; une autre consiste à frapper au plus grand nombre de portes possible, en contactant les administrations publiques et les entreprises privées pour les impliquer (avec un accueil mitigé, il faut bien le dire). Il en va de même pour l’évêché de Burgos qui, en tant que propriétaire de l’église, n’a pas eu de difficultés à autoriser les travaux de restauration nécessaires.

Mais la mesure qui fait parler d’elle est le lancement du crowdfunding“, une pratique de micro-patronat par internet, en collaboration avec l’association Hispania Nostra. Avec cette méthode, tout le monde peut participer, à partir d’un montant de 10€ sur ce site.

A titre d’exemple, au début de la rédaction de cet article, le nombre de dons était de 25.522€ ; à la fin de cet article, il était passé à 25.892€, grâce à 179 contributeurs provenant littéralement du monde entier, certains de ces dons venant d’aussi loin que le Canada. Le montant récolté jusqu’à présent représente 47% du coût total du projet, évalué à 55.000€, bien que l’association reconnaisse que 40.000€ suffisent pour démarrer.

Bien qu’aucune de ces sommes n’ait encore été réunie, il ne fait aucun doute qu’un chiffre très important a été atteint, ce qui nous permet d’être optimistes. Surtout si l’on tient compte du fait que le crowdfundingse terminera le 25 juillet et qu’il faut ajouter à la somme récoltée les 10.000€ accordés par la Diputación Foral de Burgos au conseil de quartier dans le même but.

L’histoire et l’identité d’un peuple en jeu

L’église a été construite en 2 phases. “Son origine remonte au 13e ou au 14e siècle, mais ce n’est pas très clair”, explique M. de Miguel. “Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’un agrandissement a été réalisé en 1655”. En effet, le retable a été réalisé en 1684 par le maître sculpteur José Rodríguez, dans un style baroque pré-churrigueresque, et consiste en un banc organisé en 5 sections et couronné de 6 colonnes solomoniques. Dans la rue centrale, une ouverture abrite le tabernacle, des représentations de saint Pierre, saint Paul, saint Dominique, saint François, les archanges aux extrémités et les évangélistes au sommet, avec des scènes bibliques.

L’horloge mécanique est beaucoup plus récente, datant du début du XXe siècle. Le mauvais état de conservation du mécanisme ne permet pas de le restaurer avec des garanties, l’alternative est donc de le remplacer par une horloge électronique. Toutefois, “le cadran d’origine sera restauré et conservé, composé d’un support en bois qui accueille les 12 plaques, en cuivre battu et émaillé au four, où sont inscrits les chiffres romains, et d’un disque central où se trouvent les aiguilles”, explique le président de l’association.

Au-delà de la valeur historique incontestable du complexe, il existe une valeur sentimentale pour les habitants de Masa. “Indépendamment de la foi de chacun, l’église de Masa a été importante pour tout le monde”, explique M. de Miguel. “Baptêmes, confirmations, mariages et même un événement aussi important que l’adieu à des êtres chers… cette église a marqué toutes les étapes de notre vie“. Et bien sûr, l’importance de l’horloge et des cloches, fondamentales pour ceux qui travaillaient dans les champs, marquant les heures et les moments clés de la journée, “comme l’Angélus”, la prière qui indiquait que midi était arrivé.

Parrainer une œuvre d’art ou boire un vermouth en solidarité avec d’autres

Le crowdfunding est probablement la mesure phare mise en place par l’association et celle qui, a priori, semble la plus efficace. Pour ceux qui apportent leur grain de sable, il existe différentes options de dons, à partir de 10€. Chaque donateur, en fonction du montant, recevra un cadeau allant d’une carte de remerciement à des porte-clés, des sous-verres ou une visite guidée du village.

Une autre option pour ceux qui veulent donner davantage est de parrainer l’un des nombreux éléments artistiques de l’église, ce qui peut se faire pour la modique somme de 150€. Parmi les sponsors potentiels, nous pouvons trouver l’un des bancs de l’église, le chœur, le tenebrarium, la girouette, le mantacron ou une image de la Vierge de Fátima.

Ces contributions, rappelle M. de Miguel, peuvent bénéficier de déductions pouvant atteindre jusqu’à 80% de l’IRPF ou 40% de l’impôt sur les sociétés. Par exemple, dans le cas d’un particulier qui verse 150€, la déduction serait de 120€, ce qui, dans la pratique, représenterait un coût de 30€ pour le donateur.

En plus de tout cela, vous pouvez également collaborer en assistant au marché organisé par l’association qui aura lieu les 12 et 13 août. Ou en participant à la vente aux enchères et au vermouth solidaire qui auront lieu le 15 août, date qui coïncide avec la célébration de la fête de Notre-Dame de l’Assomption, patronne de la ville.

Comme dans les films, nous espérons que les habitants de ce petit village de la province de Burgos en sortiront victorieux et heureux. Il ne fait aucun doute que leur persévérance et leur détermination le méritent.