Les formulaires D-6, D-7A et ETE : les cousins germains du 720

Elena Albaladejo. Avocate fiscaliste. Collaboratrice de Morillon Avocats.

Quelques notes d’introduction.

À ce jour, presque toute personne habitant en Espagne et devant y déclarer ses revenus connait, plus ou moins en détail, l’existence de l’obligation fiscale de déclarer, sous certaines conditions, les biens se trouvant à l’étranger dont elle est titulaire, obligation connue comme déclaration « 720 », du fait du numéro de formulaire utilisé pour accomplir cette formalité.

Néanmoins, ce formulaire 720 a trois « cousins germains » dont la plupart des gens n’ont pas connaissance. Il s’agit des formulaires D-6, D-7A et ETE, les premiers devant être déposés auprès du Ministère de L’Économie espagnol et le dernier auprès de la Banque d’Espagne. Ce sont donc bien des cousins germains, parce que ces formulaires, au contenu très similaire au 720, n’ont pas pour destinataire l’administration fiscale espagnole mais doivent être déposés auprès d’autres organismes.

Un point important à noter est le fait que même s’il s’agit de trois formulaires différents, ils relèvent tous les trois du même régime de sanctions, à savoir :

a) Sanctions graves pour les infractions qui peuvent aller jusqu’à la moitié de la valeur de ce qui n’a pas été déclaré, avec un seuil de 6.000 € de sanction minimum et un délai de prescription de 3 ans :
Ces sanctions graves sont prévues pour les cas de non-dépôt de la déclaration pour des opérations/biens atteignant une valeur maximum de 6.000.000 €, ainsi que pour les cas de dépôt incorrect ou incomplet de la déclaration pour des opérations/biens d’une valeur supérieure à 6.000.000 €.

b) Sanctions réduites pouvant aller jusqu’à un quart de la valeur de ce qui n’a pas été déclaré, avec un seuil de 3.000 € de sanction minimum avec un délai de prescription d’un an :
Ces sanctions réduites sont prévues pour les cas de non-déclaration ou déclaration incorrecte ou incomplète concernant des opérations/biens pour une valeur de moins de 6.000.000 €.

Par ailleurs, en cas de régularisation spontanée hors délai sans mise en demeure préalable, la sanction dépend du délai de retard :
Jusqu’à 6 mois de retard : sanction minimum de 150 € et maximum de 300 €.
Plus de 6 mois de retard : sanction minimum de 300 € et maximum de 600 €.

Le formulaire D-6, en quelques lignes…

Il s’agit d’un formulaire administratif à finalité essentiellement statistique qui doit être remis annuellement au Ministère de l’Économie espagnol. Il ne s’agit pas d’une obligation fiscale et donc son régime juridique ne dépend pas des règles fiscales.

Les personnes concernées par cette déclaration obligatoire sont les personnes qui habitent en Espagne, indépendamment qu’elles soient résidentes fiscales ou pas.

Pour les années 2022 et suivantes le contenu de la déclaration a été modifiée par rapport aux années précédentes.
À partir de 2022 il faut déclarer deux types d’opérations : les investissements ou sorties d’investissement et les dépôts (détentions) de titres :

a) Les investissements ou sorties d’investissement concernant des parts de sociétés côtés en bourse étrangère ou espagnole à condition d’avoir été acquises à l’étranger, si la personne détient plus de 10 % du capital social de la société émettrice.

b) Les fonds d’investissement collectif étrangers (entrées ou sorties), si la personne détient plus de 10 % du capital social de la société émettrice.

c) Les dépôts (détentions) de titres de sociétés côtés en bourse ou de parts de fonds, si la personne détient plus de 10 % du capital social de la société émettrice.

Le délai pour déclarer varie en fonction du contenu de la déclaration :
Pour les investissements ou sorties d’investissement : il faut déclarer dans le délai d’un mois après avoir réalisé l’opération.
Pour les dépôts (détentions) de titres de sociétés côtés en bourse ou de parts de fonds : du 1er au 31 janvier de l’année suivante (les dépôts à déclarer sont ceux existants au 31 décembre de l´année précédente).

Le formulaire D-7A en quelques lignes…

Il s’agit aussi d’un formulaire administratif également à finalité statistique, à remettre annuellement au Ministère de l’Économie espagnol. Il ne s’agit pas non plus d’une obligation fiscale et donc son régime juridique ne dépend pas des règles fiscales.

Les personnes concernées par cette déclaration obligatoire sont aussi les personnes qui habitent en Espagne, indépendamment qu’elles soient résidentes fiscales ou pas.

Ce formulaire déclaratif concerne les investissements en immeubles se trouvant à l’étranger si la valeur d’acquisition dépasse 1.502.530,26 € ou bien sans seuil de valeur si le bien se trouve dans l´un des pays suivants1 : Émirat de Bahreïn, Sultanat de Brunei, Gibraltar, Anguilla, Antigua-et-Barbuda, Bermudes, Îles Caïmans, Îles Cook, République Dominicaine, Grenade, Fidji, Îles de Guernesey et Jersey (Îles anglo-normandes), Îles Falkland, de Man , Îles Mariannes, Maurice, Montserrat, République de Nauru, Îles Salomon, Saint-Vincent-et-les Grenadines, Sainte-Lucie, Îles Turques et Caïques, République de Vanuatu, Îles Vierges britanniques, Îles Vierges américaines, Royaume de Jordanie, République libanaise, République du Libéria, Principauté de Liechtenstein, Macao, Principauté de Monaco, Sultanat d’Oman, République des Seychelles.

La déclaration doit se faire dans le délai d’un mois après avoir réalisé l’opération.

1Cette liste est en révision permanente par les autorités espagnoles, donc elle fait l’objet de
modifications dans le temps.

Le formulaire ETE en quelques lignes…

Il s’agit de nouveau d’un formulaire administratif également à finalité statistique, à remettre annuellement à la Banque de l’Espagne. Il ne s’agit non plus d’une obligation fiscale.

Les personnes concernées par cette déclaration obligatoire sont, une fois de plus, les personnes qui habitent en Espagne, indépendamment qu’elles soient résidentes fiscales ou pas.

Cette déclaration obligatoire cible deux types d’opérations :
Soit les transactions positives et négatives de toutes sortes faites à l’étranger (par exemple l’acquisition et vente de titres de toutes sortes, l’acquisition ou vente d’un immeuble… ) si le solde global (actif + passif, sans tenir compte du net) de la totalité des opérations de l’année dépasse la valeur de 1.000.000€.

Soit la simple détention d’actifs et de passifs se trouvant à l’étranger si la valeur nette au 31 décembre de l’année précédente dépasse 1.000.000 €.

Le délai et la périodicité de présentation dépendent du volume des opérations à déclarer, à savoir :

a) Tous les mois, dans les premiers vingt jours, si le montant des transactions de l’année précédente ou la valeur des actifs et passifs détenus à l’étranger le 31 décembre de l’année précédente dépassent la valeur de 300.000.000 €.

b) Tous les trois mois, dans les premiers vingt jours d’avril, juillet, octobre et janvier, si le montant des transactions de l’année précédente ou la valeur des actifs et passifs détenus à l’étranger le 31 décembre de l’année précédente dépassent la valeur de 100.000.000 € tout en restant en dessous des 300.000.000 €.

c) Une fois par an, dans les premiers vingt jours de janvier, si le montant des transactions de l’année précédente ou la valeur des actifs et passifs détenus à l’étranger le 31 décembre de l’année précédente dépassent la valeur de 1.000.000 €, tout en restant en dessous des 100.000.000 €.

Conclusion

Ces déclarations obligatoires sont assez semblables au formulaire 720, du fait que ce dernier prévoit l’obligation de déclarer a) les comptes en banques, b) les titres et assurances-vie c) l’immobilier et d) les cryptomonnaies2 à partir d´un seuil de 50.000 € de valeur pour chacun des groupes de biens concernés.

Dans la pratique, généralement les personnes concernées par les formulaires D-6, D-7 et ETE, sauf certaines exceptions, sont également concernés par la déclaration 720, ce qui fait qu’à notre avis, dans le but de simplifier les obligations des citoyens et de leur alléger le poids administratif, une seule déclaration pourrait être mise en place pour satisfaire les besoins de tous les organismes souhaitant être informés, chacun pour sa propre finalité (contrôle de l’accomplissement des obligations fiscales ou bien analyse
statistique), car ces informations pourraient être simplement partagées entre les différents organismes.

Par ailleurs, même si à ce jour nous n’avons connaissance d’aucune mise en demeure ni de sanctions imposées au sujet des trois formulaires ci-dessus, la règlementation administrative espagnole actuellement en vigueur prévoit tant l’obligation de présentation que le régime de sanctions associé, ce qui fait que la situation de fait de non-imposition de sanctions, pourrait évoluer à un moment donné, rendant nécessaire de se conformer à toutes ces exigences même si, à notre avis, ce ne serait pas très difficile pour les autorités de les rendre moins lourdes…

2L’obligation de déclarer ce quatrième groupe de biens a été mise en place en 2021. Nous n’avons pas
encore de règlement, ce qui fait que cette obligation n’est pas encore exigible.

Cabinet Morillon Avocats pour LCE