Elena Albaladejo. Avocate fiscaliste. Collaboratrice de Morillon Avocats.
Quelques notes d’introduction…
L’impôt sur l’augmentation de la valeur des terrains à nature urbaine (acronyme « IIVTNU » en castillan), mieux connu tout simplement comme « plus-value municipale » est un impôt municipal espagnol dont le fait imposable est le changement de titularité de l’immobilier dont le sol à la condition d’urbain, indépendamment du fait que ce changement découle d’une transmission onéreuse (vente), d’une donation ou d’une succession.
La seule chose qui varie en fonction du type d’opération c’est la personne redevable de l’impôt: en cas de transmission onéreuse (vente) c’est au cédant de payer l’impôt. Cependant, en cas de donation ou de succession c’est au récepteur de payer l’impôt.
Par ailleurs, en cas de vente par un propriétaire non-résident en Espagne, c’est à l’acquéreur de prélever le montant de l’impôt sur le prix de vente et de le verser au Trésor Public espagnol en nom du vendeur. Donc, le redevable de l’impôt continue à être le cédant or, au lieu d’avoir à le payer directement, il s’en fait prélever le montant sur le prix de vente.
En revanche, en cas de succession ou de donation, c’est au destinataire de payer directement l’impôt, même s’il n’est pas résident fiscal en Espagne.
En ce qui concerne les biens concernés par l´impôt, seuls les biens se trouvant en Espagne et qualifiés comme urbains sont imposables. Les biens ayant la considération de biens rustiques ne sont donc pas concernés par cet impôt.
À noter que cet impôt est à payer en parallèle à l’impôt sur le revenu espagnol (IRPF) ou à l’impôt sur le revenu des non-résidents (IRNR) qui taxera l’opération de vente ou de donation1 (pas de succession) si la valeur fiscale du bien au jour de la cession est supérieure à la valeur d’acquisition originaire.
Néanmoins, la « plus-value municipale » est considérée comme un frais déductible pour calculer la plus-value imposable au titre de l´IRPF ou de l´IRNR.
1Oui, oui, vous avez bien lu : une donation peut entraîner une plus-value imposable au titre de l’IRPF du
donateur en fonction de la valeur fiscale du bien au jour de la donation.
Qu’en est-il de l’arrêt du Tribunal Constitucional espagnol du 26 octobre 2021 et que devons-nous en retenir ?
Cet arrêt est venu mettre fin à un long débat juridique et jurisprudentiel qui durait déjà plusieurs années, du fait que la règlementation précédente était très conflictuelle.
es points clés de cet arrêt peuvent se résumer comme suit :
- Les plus-values municipales dont le fait imposable précède cet arrêt non prescrites et non déclarées ne sont plus exigibles.
- Les plus-values municipales dont le fait imposable précède cet arrêt et qui ont été contestées à l’époque et se trouvaient encore en attente de décision au 26 octobre 2021 doivent se voir appliquer l’arrêt du Tribunal Constitucional, qui entraîne l’annulation de l’impôt en tout cas. En cas d’avoir payé l’impôt, un remboursement sera octroyé.
- Les plus-values municipales dont le fait imposable précède cet arrêt et qui n’ont pas été contestées avant ledit arrêt, ne peuvent pas se voir appliquer l’arrêt du 26 octobre et ne peuvent donc être annulées.
- Les plus-values municipales dont le fait imposable précède cet arrêt, contestées en temps et heure mais ayant obtenu un arrêt négatif (soit, sans gain de cause) antérieur à celui du Tribunal Constitucional du 26 octobre 2021 peuvent se contester à nouveau par la voie de la déclaration de la responsabilité patrimoniale de l´État et dans le délai maximum d’un an à compter de la date de l’arrêt du Tribunal Constitucional.
Qu’en est-il de la nouvelle règlementation ?
Pour donner suite à l’arrêt précité, la Gouvernement espagnol a mis en place une nouvelle règlementation via Décret Royal (Décret Royal 26/2021, du 8 novembre), permettant de tenir compte de la plus-value réelle pour calculer l’impôt, ou, dit à l’inverse, permettant d’éviter le paiement de l’impôt en cas d’inexistence de plus-value réelle.
Les points clés de cette nouvelle réglementation pourraient se résumer comme suit: - La nouvelle règlementation permet de faire un choix entre calcul de l’assiette déterminée par la Loi et calcul de l’assiette déterminée par la plus-value réelle, ce qui permet au contribuable de choisir l’option la plus avantageuse.
- Les plus-values découlant de biens dont le délai de détention est inférieur à un an sont actuellement imposables, ce qui n’était pas le cas avec la règlementation précédente.
- S’il n’y a pas de plus-value réelle (calculée sans réduction de frais), l’impôt n’est pas exigible.
Néanmoins, il faut savoir que l’utilisation d’un Décret Royal pour mettre en œuvre la nouvelle règlementation de la plus-value municipale est très discutable du point de vue juridique et susceptible d’une future déclaration de non-conformité à la Constitution espagnole.
Ce qu’il faut retenir.
- L’impôt dont le fait imposable découle d’opérations réalisées entre le 26 octobre 2021 (date de l’arrêt du Tribunal Constitucional) et le 10 novembre 2021 n’est pas exigible car il n’y avait pas de règlementation en vigueur. A ce titre, il faut tenir compte que le fait imposable découlant des donations se produit à la date de la mise en place de la donation (date de la signature de l’acte notarié de donation) et que le fait
imposable découlant des successions se produit à la date de décès. - Tout impôt dont le fait imposable s’est produit avant l’arrêt du Tribunal Constitucional et non redressé à cette date ne peut être exigé.
- Tout impôt contesté avant l’arrêt du Tribunal Constitucional devrait se voire annulé et, en cas de paiement préalable, se faire rembourser.
Cabinet Morillon Avocats pour LCE