Une semaine après les inondations tragiques qui ont endeuillé la région de Valence, faisant officiellement 217 victimes et 89 personnes disparues (chiffres communiqués hier soir), l’Espagne s’interroge : comment les autorités ont-elles pu échouer à ce point dans leur mission de prévention, de protection et d’assistance ?
La colère et le désespoir se sont exprimés avec une violence inédite dimanche, lors de la visite à Paiporta du Premier ministre Pedro Sanchez, accompagné du roi et de la reine d’Espagne ainsi que du président de la région, Carlos Mazón. Les caméras du monde entier ont capté les cris et la rage des sinistrés jetant de la boue aux officiels et les traitant d’« assassins », forçant même l’exfiltration du Premier ministre. Cette colère ne se limite pas aux victimes directes : si les Espagnols reconnaissent la violence exceptionnelle de l’épisode climatique du 29 octobre, ils dénoncent une autre violence qui confine à l’injustice: l’incurie presque totale et notoire des pouvoirs publics. Les responsables politiques, tout comme les fonctionnaires des administrations locales, régionales et nationales, font désormais face à des accusations d’homicide involontaire et de non-assistance à personne en danger. Des plaintes ont été déposées dans plusieurs tribunaux, et des manifestations sont prévues dans les prochains jours.
L’Espagne à mal à ses dirigeants
Jusqu’ici, les responsables politiques espagnols bénéficiaient d’une confiance fragile et relative. Désormais, le dégoût et le rejet sont unanimes. Le manque d’anticipation, les défaillances de communication entre les services de météo et les administrations à tous les niveaux, ainsi que l’absence de réactivité dans l’envoi et la coordination des secours ont provoqué une indignation générale. Les citoyens espagnols, en plus de se sentir abandonnés, se sentent trahis. Dans un pays où la pression fiscale est au moins aussi élevée qu’en France, ils s’attendaient à une réponse à la hauteur de la tragédie. Au lieu de cela, sur fond de récupération politique, ils ont été témoins du lamentable spectacle d’hommes politiques pris en flagrant délit d’incompétence, se rejetant mutuellement les responsabilités. Les Espagnols ont eu l’impression de vivre dans un pays du tiers-monde, tant la gestion de cette crise fut pitoyable. Le discrédit est total, et la confiance brisée. La DANA rebaptisée aussitôt comme acronyme de ”descoordinación absoluta nacional y autonómica” pourrait être le point d’inflexion d’une crise politique.
Seule la solidarité spontanée, rapide et spectaculaire du peuple espagnol et de leurs voisins a permis d’apaiser, temporairement, la colère collective. Désormais, vient le temps de la réparation et de la reconstruction. Plus tard, viendra celui de la justice.
Laurence Lemoine