Créés au dix-huitième siècle, la loterie nationale et son tirage de Noël sont une véritable institution en Espagne. Et une poule aux oeufs d’or pour les caisses de l’Etat. Décryptage. Pour les étrangers récemment arrivés en Espagne, la folie de la « lotería de Navidad » est tout à fait étonnante. On l’appelle le « Gordo » car c’est le plus important tirage de l’année (4 millions d’euros pour la série gagnante en 2011), et pas moins de quatre Espagnols sur cinq tentent leur chance. Il n’est donc pas rare de voir des queues de plusieurs dizaines de mètres à certains points de vente, les joueurs désirant acheter un numéro spécifique, ou à un endroit spécifique, comme chez Doña Manolita à Madrid ou la Bruixa d’Or en Catalogne, qui battent depuis des années tous les records. Cette année, les Espagnols ont dépensé en moyenne 71€ par personne. Les entreprises, les bars, les clubs sportifs et autres institutions achètent également des séries qu’elles revendent à leurs employés, membres ou clients. Comme la plupart de ses compatriotes, Cristina, agent d’assurance, a ses habitudes : «tous les ans, j’achète un billet dans mon entreprise, et un autre dans le bar de mon village». Et tous les 22 décembre, c’est un interminable tirage qui est retransmis à la télévision, pendant lequel des enfants tirent des numéros au sort et chantent les résultats. Toute une tradition, née en 1771 et scrupuleusement respectée. Un business qui ne connaît pas la crise Malgré (ou grâce?) à la crise, les Espagnols continuent de jouer et de rêver au gros lot. Les ventes ont augmenté d’1% par rapport à l’année dernière. Selon les chiffres 2011, 80% de ceux qui ont acheté leur billet sur internet sont des « mileuristas » (salariés ne gagnant pas plus de 1000 euros par mois). Et il semblerait que plus les revenus annuels augmentent moins on tente sa chance puisqu’à peine 6% des Espagnols gagnant plus de 54 000 euros à l’année jouent à la loterie. La Loterie de Noël est une véritable mine d’or pour l’État. L’entreprise publique Loterías y Apuestas del Estado garde 25% des recettes, 70% étant repartis aux gagnants et 5% aux points de vente. LAE a enregistré un résultat net de près de 3 milliards d’euros en 2009. Le gouvernement socialiste de Jose Luis R. Zapatero avait prévu la privatisation de l’entreprise à hauteur de 30% de son capital en septembre dernier, mais s’était finalement ravisé car les sommes proposées par de potentiels actionnaires étaient largement en-deçà de la valeur réelle de l’entreprise. Le Partido Popular, mené par le futur président Mariano Rajoy, s’était fortement opposé à cette privatisation, reprochant au gouvernement de vouloir vendre un «Joyau de la Couronne ». AC