L’Espagne, et particulièrement la région sud de Valence, a subi un traumatisme collectif avec la catastrophe provoquée par la goutte froide du 29 octobre. Le bilan humain, irréparable, atteint désormais 205 morts selon le tout dernier bilan officiel sans compter les nombreux disparus. Les infrastructures de la région ont été lourdement endommagées, une facture qui se chiffre en milliards d’euros et en années de reconstruction.
Trois jours après le drame, alors que la population est encore sous le choc, des interrogations et des critiques émergent quant à la gestion de la crise. Les autorités locales, régionales et nationales font face à des accusations d’incompétence, de laxisme et de retard dans l’organisation des secours.
L’arrivée massive de militaires se fait attendre : pour le moment, seulement un groupe de 500 hommes a été envoyé (15 à 20 000 seraient nécessaires.). Par ailleurs, le ministre de l’Intérieur Fernando Marlaska n’a toujours pas accepté l’offre d’aide formulée par de nombreux des pays tels que la France, le Portugal et l’Allemagne : des centaines de pompiers et secouristes, attendent, prêts à partir en direction les zones sinistrées.
La Generalitat a pour la première fois utilisé un système d’alerte par radiofréquence pour avertir la population via leurs téléphones portables. Cependant, l’alerte n’a été envoyée qu’à 20 h 12 mardi, bien après que les pluies torrentielles aient commencé. Un envoi plus précoce, dès la mi-journée, aurait pu potentiellement sauver des vies, convainquant employeurs et particuliers de rester chez eux, et évitant des déplacements non-essentiels.
Prise en compte des alertes traditionnelles
Pourquoi les alertes, bien qu’émises plusieurs jours à l’avance par l’Agence météorologique espagnole (AEMET), accessibles depuis n’importe quelle application de météo et relayées par la presse, n’ont-elles pas été prises au sérieux ? Le mardi matin, dès 7h, le niveau d’alerte était passé au rouge. Il y a-t-il un problème culturel avec la prise en considération des alertes et des consignes reçues ? Certainement. Car il faut bien dire, qu’à de nombreuses reprises ces dernières années, des alertes ont en effet parfois conduit à des fermetures massives et à des paralysies économiques sans incidents majeurs, ce qui a pu engendrer un sentiment général de scepticisme.
L’AEMET défend sa position et la justesse de ses prévisions en soulignant la complexité des DANA (dépression Isolée de Haute Altitude), qui se distingue par sa puissance et l’impossibilité de désigner avec précision les zones qui seront réellement impactées. Cette imprécision explique pourquoi de nombreuses personnes ont pensé à tort que l’alerte ne les concernait pas directement. Mais la panne de plusieurs radars de la région, et d’une manière générale, l’obsolescence des équipements techniques de cette entité publique sont aussi mis en cause.
Autre élément qui explique le lourd bilan humain : il pleuvait en fait très peu dans les endroits sinistrés, donc les populations ne ressentait pas de réels dangers : ils ignoraient que les pluies torrentielles tombées dans l’arrière-pays allaient dévaler avec violence les rivières sèches et trop petites, pour déferler, telle une vague de tsunami, sur les sols ultra bétonnés du littoral.
Avenir incertain et peur face à la montée des risques climatiques
Les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et destructeurs, un effet direct du réchauffement climatique. Cet été, la température de la Méditerranée a atteint un record de 29 degrés en moyenne, augmentant la charge en vapeur d’eau de l’atmosphère. C’est cette rencontre explosive avec un air froid polaire qui a déclenché les pluies torrentielles de mardi. Qui pourrait garantir que cela ne se reproduira pas ? Si le climat ne peut être changé, la politique hydraulique régionale et les plans d’urbanisation doivent impérativement être repensés pour tenir compte de l’évolution climatique. Des améliorations dans la précision des prévisions météo, des messages d’alertes et la coordination des secours seront également cruciales pour prévenir de futures tragédies.
Pour l’instant, la priorité reste l’assistance aux dizaines de milliers de sinistrés. Un élan de solidarité sans précédent s’organise pour leur apporter un soutien vital, mais les autorités rappellent que l’alerte météo reste active, car de nouvelles pluies sont attendues dans les heures et jours à venir.
Laurence Lemoine